Bernard c. Canada (Procureur général) et IPFPC, 2014 CSC 13 (7 février, 2014)

Mme Bernard est une employée au sein de la fonction publique qui occupe un poste dont l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (« IPFPC ») est l’agent négociateur accrédité exclusif. Bien que Mme Bernard a choisi de ne pas être membre de l’IPFPC, elle bénéficie des avantages de la convention collective, a droit à la représentation du syndicat et est tenue de verser les cotisations syndicales. 

Mme Bernard a contesté une ordonnance de la Commission des relations de travail dans la fonction public (la « Commission ») de 2008 permettant l’employeur de fournir au syndicat les coordonnés résidentielles des employée au motif que ceci porte atteinte à son droit à la vie privée. Mme Bernard a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission auprès de la Cour d’appel fédérale (« CAF »). La CAF a conclu que la Commission aurait dû examiner l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels à la communication des coordonnées résidentielles et a renvoyé l’affaire à la Commission. Mme Bernard et le Commissariat à la protection de la vie privée sont intervenus à l’audience.

Dans le cadre de l’audience en réexamen, Mme Bernard a fait des arguments additionnels fondés sur la Charte. Elle a fait valoir que la communication de ses coordonnées résidentielles portait atteinte à la liberté de ne pas s’associer au syndicat protégé par l’article 2(d) de la Charte ainsi qu’à son droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives protégé par l’article 8 de la Charte. La Commission a fait ressortir de l’ordonnance initiale des caractéristiques destinées à accroître le respect de la vie privée mais ne s’est pas penchée sur les arguments de Mme Bernard fondés sur la Charte.

Mme Bernard a présenté une nouvelle demande de contrôle judiciaire. La CAF a alors conclu que la Commission avait rendu une décision raisonnable et a rejeté l’appel. Mme Bernard a demandé l’autorisation d’interjeter appel de l’arrêt de la CAF auprès de la Cour Suprême du Canada. 

La Cour Suprême du Canada a rejeté l’appel de Mme Bernard. Il y avait une dissidence en partie sur la question très précise de savoir s’il était raisonnable pour la Commission de ne pas examiner les arguments de Mme Bernard fondés sur la Charte. En fin de compte, cependant, la Cour a conclu à l’unanimité que la communication des coordonnées résidentielles par l’employeur ne porte pas atteinte à la liberté de Mme Bernard de ne pas s’associer au syndicat et que l'art. 8 de la Charte ne s’appliquait pas en l’espèce.

Droits à la vie privée

La Cour a conclu que la communication des coordonnées résidentielles par l’employeur au syndicat ne porte pas atteinte au droit de Mme Bernard à la vie privée puisqu’il s’agit d’un usage compatible avec les fins auxquelles le gouvernement employeur recueillait ces renseignements. Cet usage compatible s’inscrit dans les paramètres de ce que permet la Loi sur la protection des renseignements personnels. La Cour a conclu que l’agent négociateur, en tant que représentant exclusif de tous les membres de l’unité de négociation—même les employés assujettis à la formule Rand—a besoin de ces renseignements pour s’acquitter de ses obligations de représentation conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. De plus, le syndicat ne pouvait pas compter sur les communications effectuées au travail pour s’acquitter de ses obligations de représentation. 

Finalement, sur la question du droit à la vie privée, la Cour a fait observer que l’employeur devait communiquer les renseignements essentiels pour permettre au syndicat de s’acquitter de ses obligations de représentation afin que l’employeur et le syndicat soient sur un pied d’égalité quant aux renseignements relatifs à la relation de négociation collective.

Liberté d’association

La Cour a rejeté l’argument soulevé par Mme Bernard relativement à la liberté d’association, indiquant que l’argument « n’a aucune assise juridique. » La Cour a confirmé son raisonnement dans la décision historique dans l’arrêt Lavigne, selon laquelle l’article 2(d) « ne protège pas contre toute forme d’association involontaire et n’a pas été conçu pour contrer l’association avec autrui qui est une composante nécessaire et inévitable de l’appartenance à une société démocratique moderne. »

Protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives

La Cour a rejeté l’argument soulevé par Mme Bernard que les actions de l’employeur portent atteintes à son droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives protégé par l’article 8 de la Charte. La Cour a constaté que Mme Bernard n’avait pas d’attentes raisonnables en matière de respect de sa vie privée dans ces circonstances compte tenu la nature de la relation entre l'employeur et le syndicat dans ce contexte.

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